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Le marché au cadran à Saint-Pol-de-Léon

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La SICA de St Pol de Léon est un groupement de producteurs qui organise la commercialisation de la production agricole locale, grâce au marché au cadran. Alexis Gourvennec explique le fonctionnement de ce groupement et son intérêt pour les paysans.

 

 

La "ceinture dorée", c'est à dire la zone côtière large d'une dizaine de kilomètres au nord de la Bretagne est réputée pour ses cultures légumières depuis le XIXe siècle. Mais à partir de la fin des années 50, les producteurs mal organisés face au marché se trouvent confrontés aux crises de mévente.

Ce document relate la mise en place, par les jeunes agriculteurs, du marché au cadran de St-Pol-de-Léon. Cette innovation est l'aboutissement d'une lutte de plusieurs années. Elle devait mettre fin à la toute-puissance des négociants qui assuraient la vente des produits et fixaient unilatéralement les prix. La réflexion est partie des jeunes de la JAC (Jeunesse d'Action Catholique) qui au milieu des années 50 analysent les raisons de la chute des cours et observent différents types de marchés dans les pays étrangers. Les actions démarrent vraiment en 1958 lorsque l'artichaut est en pleine crise : manifestations à Morlaix, barrage routier mais aussi mise en place d'un groupement d'exploitants qui deviendra en 1961 une SICA (Société d'Intérêt Collectif Agricole). Le 22 mars 1961 le marché classique de gré à gré est remplacé par un marché aux enchères dégressives avec vente au cadran, installé à Saint Pol de Léon.

Selon le document, cette innovation, qui satisfait semble t-il de nombreux légumiers, rencontre pourtant des oppositions : celles des négociants et des expéditeurs mais aussi celle de certains petits producteurs qui craignent la suprématie des grandes fermes adhérentes à la SICA. Les échauffourées seront d'ailleurs violentes - le documentaire reste étonnamment discret sur les "trois journées de St Pol" de juin 61 durant lesquelles s'affrontent les défenseurs de la SICA et les producteurs indépendants. C'est au cours d'une action spectaculaire contre la sous-préfecture de Morlaix le 8 juin 1961 que le jeune syndicaliste Alexis Gourvennec qui s'exprime dans le film est arrêté, passé en jugement... puis relaxé. Il devient alors une des figures emblématiques des agriculteurs modernistes bretons.

Ses propos sont particulièrement intéressants car ils mettent en évidence l'ambiguïté de l'idéologie moderniste de la fin des années 50. Gourvennec défend un des mots d'ordre humanistes de la JAC : l'agriculture bretonne doit faire vivre "un maximum d'hommes dans les meilleurs conditions possibles". Et en même temps, admiratif des résultats de l'agriculture des USA, il soutient la mise en place du marché au cadran, projet libéral basé sur l'offre et la demande. Les deux seront-il compatibles ? Bien que les tensions avec les petits producteurs indépendants soient réelles, la volonté unanime, ou presque, de moderniser ne permet pas encore de se poser la question et, forts de la volonté de prendre leur destin en main pour être "dignes de leurs légumes", une majorité de petits et grands producteurs s'inscrivent à la SICA. Les législateurs suivront cette impulsion en votant la loi de 1962 qui réserve l'obtention des aides aux groupements de producteurs capables d'orienter leurs adhérents vers les contraintes du marché.

Le modèle de St Pol sera repris dans les années 70 par d'autres filières : création en 1972 du marché au cadran du porc à Guerlesquin, Chateauneuf-du-Faou et Landivisiau. Les années écoulées montrent que si la réforme du marché a bien été réalisée, cela n'a pas suffi à enrayer durablement la chute des cours. L'organisation du marché au cadran qui laisse face à face producteurs et acheteurs sera au centre des luttes des paysans-travailleurs dans les années 90.

 

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Localisation :


  • Pays de Morlaix
  • Saint-Pol-de-Léon

04-12-1965