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La nécropole mésolithique de Téviec

Sépulture D de Téviec
Sépulture D de Téviec - Cliché : Péquart/Institut de Paléontologie humaine/Association Melvan.

 

À la fois cimetière et habitat, Téviec apparaît comme le plus célèbre des sites mésolithiques de France atlantique (5400 avant notre ère). Il témoigne des modes de vie des derniers chasseurs-cueilleurs maritimes juste avant le Néolithique.

 

 

Un habitat des derniers chasseurs-cueilleurs maritimes de Bretagne

Téviec était il y a 7 400 ans une colline en bord de mer, qui dominait des marais littoraux. À l’issue de la remontée des océans, c’est devenu un îlot désert de la commune de Saint-Pierre-Quiberon dans le Morbihan. Les occupants du Mésolithique (9700-5300 avant notre ère) y avaient implanté un vaste habitat en contrebas d’un promontoire granitique. Il se matérialise par un niveau de déchets alimentaires, composé notamment de coquilles marines, sur une épaisseur de 0,60 à 1 mètre, avec de nombreuses structures archéologiques (différents types de foyers et tombes).

Des fouilles y ont été menées de 1928 à 1930 par Marthe et Saint-Just Péquart sur une surface de 320 m². Au cours des années 2000, tous les restes exhumés et préservés ont fait l’objet de nouvelles analyses scientifiques. Elles ont notamment révélé des pratiques alimentaires basées sur l’exploitation intensive des animaux du littoral (mollusques, crabes, poissons), mais aussi des grands mammifères terrestres (cerfs, chevreuils, sangliers). En comparaison avec d’autres sites littoraux du Mésolithique, Téviec est marqué par la chasse aux oiseaux (21 espèces, dont les canards colverts et les canards siffleurs, les macareux, les guillemots et les bécasses). Seul le chien était domestiqué.

Malgré l’importance des aménagements de l’habitat et le nombre de restes archéologiques, l’hypothèse de populations nomades est privilégiée, dans des circuits qui comprenaient les espaces insulaires comme Groix ou Belle-Île.

Téviec vu de la mer

 

L’habitat et la nécropole mésolithique de Téviec (Saint-Pierre-Quiberon, Morbihan) étaient implantés en contrebas d’une éminence rocheuse (à droite sur la photo). Cet îlot était à l’époque rattaché au continent et dominait des formations côtières, dunes et lagunes, favorables à la chasse aux oiseaux (photo : G. Marchand).

 

Une nécropole préhistorique exceptionnelle

Les fouilles ont permis d’exhumer 10 sépultures (23 individus) regroupées dans un espace restreint d’environ 50 m², au cœur même des déchets alimentaires et des foyers domestiques. Les tombes les plus complexes étaient des sépultures à la fois collectives (inhumations successives) et multiples (inhumations simultanées).

Toutes témoignent de rituels élaborés. Les corps parés de colliers et de résilles de coquillage étaient enduits d’ocre rouge. Ils avaient été inhumés en position repliée dans des fosses non aménagées, les jambes en flexion forcée et la tête légèrement relevée. Couteaux en silex, percuteurs sur galets et stylets en os accompagnaient la plupart des défunts. Dans deux cas, un assemblage en bois de cerf formait comme un encadrement du crâne. Une ou deux dalles avaient été placées sur la tombe et servaient de base à un foyer dit « rituel ». L’ensemble était recouvert de pierres et formait un dispositif de visualisation autant que de protection des corps qui dépassait parfois de la couche coquillière pour affleurer le sol.

Une société égalitaire … et violente

Si la nature des coquilles semble un peu différente dans les parures des hommes et des femmes, les deux sexes témoignent des mêmes égards, au moins dans le domaine funéraire. La réunion des corps dans des sortes de caveaux traduit des liens forts entre certains individus, peut-être sur des bases familiales. Trois sépultures d’adultes inhumés avec un enfant ouvrent l’hypothèse d’un sacrifice à la mort d’un parent.

À la base de la tombe K, un homme a connu une fin tragique, comme en témoignent deux pointes de flèches fichées dans ses vertèbres. Sa mâchoire avait d’ailleurs été fracturée quelque temps auparavant et s’était ressoudée... Des analyses anthropologiques récentes menées sur la sépulture A – conservée au Muséum d’histoire naturelle de Toulouse – laissent également penser que les deux occupantes avaient été massacrées à l’aide d’objets contondants, leur crâne portant nombre d’impacts.

Les interprétations de ces marques de violence peuvent être multiples, qu’elles interviennent dans le cadre de compétition entre groupes mésolithiques pour l’accès aux riches ressources littorales ou dans un climat tendu lié à l’arrivée à l’Est de populations d’agriculteurs.

Stylet

Ce stylet en os de mammifère trouvé dans la sépulture D porte de fines gravures de lignes parallèles (longueur de 158 mm). Ces objets accompagnaient la plupart des défunts adultes de Téviec et leurs traces d’usure montrent qu’ils étaient également portés dans leur activités quotidiennes (dessin : M. et S.-J. Péquart, 1937).

Les archéologues

Marthe et Saint-Just Péquart sont des archéologues originaires de Lorraine, qui ont travaillé en Bretagne puis dans les Pyrénées entre 1915 et 1942. Ils sont notamment célèbres pour leurs fouilles dans les îles bretonnes, dans les années 1920 et 1930, notamment à Téviec puis à Hoëdic. Ils développèrent une approche scientifique minutieuse, en prenant soin notamment de multiplier les clichés et les films, dont beaucoup sont préservés. L’engagement de Saint-Just Péquart dans la Milice durant la Seconde Guerre mondiale, puis son exécution à la Libération, ont jeté un fort discrédit sur des travaux que les méthodes analytiques actuelles amènent à réévaluer.

Propriété privée, l’îlot de Téviec est désormais interdit d’accès aux chercheurs, mais nul doute qu’il garde un potentiel scientifique majeur pour comprendre les sociétés à la veille du Néolithique.

 

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Localisation :


  • Pays d'Auray
  • Saint-Pierre-Quiberon

Grégor Marchand
30/08/2016