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La naissance des forges d'Hennebont

Outils des fours exposés à l'Ecomusée industriel des Forges d'Inzinzac-Lochrist
Outils des fours exposés à l'Ecomusée industriel des Forges d'Inzinzac-Lochrist - Cartolis

 

Dans la seconde moitié du siècle, la Bretagne, qui a été une grande région industrielle sous l’Ancien Régime, ne reste pas totalement à l’écart de la révolution industrielle que connaît alors la France. La naissance des forges d’Hennebont en 1860 s’inscrit dans cette période de mutation.

 

 

1860 : la création

 

En 1860, Émile et Henri Trottier, ingénieurs des Arts et Métiers d’Angers, fondent une « usine à fer » sur leur propriété de Kerglaw en Inzinzac-Lochrist, sur la rive droite du canal du Blavet. La période est propice car l’essor de la conserverie entraîne une forte demande en fer-blanc, qui est alors majoritairement importé d’Angleterre. De plus, la main-d’œuvre rurale est abondante et bon marché.

 

Cité ouvrière des forges d'Hennebont

 

Lamineurs en 1880 - Collection Écomusée industriel des Forges - Inzinzac-Lochrist

 

Un site bien adapté

 

Le choix du site  a été motivé par plusieurs critères, classiques à l’époque : deux barrages sur le Blavet situés à quelques kilomètres fournissent une énergie abondante, complétée par le charbon de bois produit dans les forêts voisines. Le port fluvial d’Hennebont permet de communiquer rapidement avec le port maritime de Lorient, favorisant les approvisionnements – en houille depuis la Grande-Bretagne par exemple – et la commercialisation des produits.

 

Une croissance rapide

 

En 1869, les frères Trottier  achètent l’île de Lochrist-Locastel, à 500 mètres de Kerglaw. Les ateliers des forges sont alors dispersés sur les deux sites. Les bâtiments se répartissent sur une étroite bande de terrain de 2,5 kilomètres de long sur 200 à 300 mètres de large, limitée d’un côté par le Blavet et de l’autre par une falaise de rochers. On y produit du fer laminé, des tôles et du fer-blanc.
En 1880, preuve que l’usine est performante, elle est rachetée par la Compagnie des Cirages Français, qui a des activités multiples en Europe et en Russie. Désormais les forges d’Hennebont sont dotées de fours Martin pour la production d’un acier de meilleure qualité, ce qui augmente leur rentabilité. Pendant leurs vingt premières années d’activité, les forges ont régulièrement augmenté leur production : 750 tonnes en 1861, 1 225 tonnes en 1865 avec 310 ouvriers, 5 250 tonnes en 1880 avec 800 ouvriers et 10 860 tonnes en 1888.

 

Les premières grèves

En 1903 l’entreprise connaît sa première grève importante, suite à la suppression de la prime pour le nettoyage dominical des fours. Plus de 2 000 personnes défilent dans les rues. Au bout de quarante jours, les grévistes obtiennent gain de cause. En 1906 les ouvriers revendiquent la journée de 8 heures et se mettent en grève pendant 115 jours, mais cette fois sans succès.

 

Apogée des années 1930 et déclin

 

En 1936, 3 000 ouvriers produisent 33 000 tonnes de tôles et 9 000 tonnes de fer-blanc mais après la Seconde Guerre mondiale la menace de fermeture pèse sur l’entreprise. Le contingentement imposé en 1931 par le gouvernement sur les importations de charbon britannique au profit du charbon français, qui a renchéri le coût de l’énergie, et la baisse de la demande de fer-blanc des conserveurs de l’Ouest due à la concurrence des conserves d’Espagne ont contribué au déclin de l’entreprise qui n’a pas réussi à trouver de nouveaux débouchés en dehors de la région.
Après un plan de modernisation mené de 1950 à 1958, soutenu par un investissement de 45 millions d’anciens francs, la société dépose le bilan en 1963, mais continue de fonctionner grâce à une aide de l’État. La fermeture est ordonnée par décret ministériel le 18 mai 1966.

 

Une population ouvrière rurale

 

La plupart des métallurgistes des forges d’Hennebont viennent de la campagne environnante. Cependant, entre 1860 et 1880, les forges font appel à des ouvriers spécialisés venus, avec leur famille, de la Nièvre, de la Saône-et-Loire, de la Loire et des Côtes-du-Nord. C’est alors le choc entre deux mondes : celui de la terre et celui de l’usine, de la langue française face à la langue bretonne.
Ces anciens paysans apportent leurs valeurs et leur façon de vivre sur les bords du Blavet, en particulier leur fervente pratique religieuse. Courage, sens de l’effort, obéissance étaient des qualités attribuées à ces métallurgistes en sabots.

 

Des logements pour les ouvriers

 

Pour retenir leur personnel, les maîtres des forges font construire 287 logements. Quatre cités  ouvrières voient le jour autour de l’usine à partir des années 1880 : La Montagne, puis Langroise, Malachappe et Kerglaw-Lochrist. Les logements sont modestes, avec une ou deux pièces en moyenne où vivent des familles nombreuses, souvent de plus de huit personnes.
Une trentaine de pavillons et d’appartements spacieux et confortables ont été construits pour les cadres à Kerglaw, Le Bunz, Locqueltas, Hennebont, et Saint Piaux. Trois châteaux dominant le Blavet abritent les maîtres des forges.

 

Un rôle social

 

Les directeurs des forges sont régulièrement élus maires d’Hennebont. Le paternalisme , si cher aux catholiques sociaux influents en Bretagne, dicte certains aspects de l’action de l’entreprise. Ainsi, en plus des logements ouvriers, on construit en 1920 une clinique-dispensaire et une salle des fêtes  d’une capacité de 500 personnes.
À partir de 1940, une école d’apprentissage accueille des jeunes de 12 à 16 ans pendant trois années de formation. Cette école est très prisée par les familles ouvrières. Enfin, les enfants ont à leur disposition un parc de jeux d’un hectare dans une propriété de Locqueltas, acquise en 1949 par la société.

 

Salle des fêtes Hennebont

Salle des fêtes d'Hennebont - Cartolis

 

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  • Pays de Lorient
  • Hennebont

Jérôme Cucarull
05-09-2016